Empty Lot de Abraham Cruzvillegas

Actualités - 18/03/2016 - Article : Barbara Fecchio

Depuis environ six mois, la Salle des Turbines de la Tate Gallery (Londres) accueille Empty Lot, installation monumentale in situ conçue par l’artiste mexicain Abraham Cruzvillegas. L’artiste a été invité par la Commission Hyundai qui choisit chaque année un artiste afin d’investir cet immense espace de 35 mètres de haut pour 152 mètres de long, situé à l’entrée du musée.

Aujourd’hui, un échafaudage soutient deux plateformes triangulaires de dimensions monumentales. Au-dessus, un jardin géométrique se déploie et vit, alimenté uniquement par de la lumière artificielle et un arrosage hebdomadaire. Cependant, il ne s’agit pas d’un jardin à proprement parler : aucune graine n’a été semée, aucun arbuste, fleur ou végétal n’a été planté. Le terreau présent dans les bacs triangulaires vient de différents parcs et jardins de la ville de Londres : Hampstead Heath, Peckham, Haringey, Westminster pour en nommer quelques-uns. Abraham Cruzvillegas est parti avec son équipe, accompagné du commissaire Mark Godfrey, pour collecter différents types de sols londoniens. Le terreau a été ensuite reversé tel quel dans les bacs. « Nous verrons le 3 avril l’œuvre terminée » dit Abraham Cruzvillegas, car personne ne sait si quelque chose poussera. L’idée que rien ne grandisse ne perturbe pas l’artiste, car le but n’est pas de faire croître ce « jardin », mais d’observer ce qui se produit, ce qui peut grandir, ou pas, à partir de rien.

« I know nothing », je ne sais rien, affirme l’artiste. Il ne sait pas ce qui arrivera à l’intérieur de ces empty lots. Cette démarche fait partie intégrante de son travail : l’incertitude, le bancal, le provisoire, ne pas savoir exactement où l’on va, découvrir et aussi s’émerveiller, tout cela est une composante fondamentale du travail d’Abraham Cruzvillegas. Comme il le dit lui-même : « Cette installation est composée par du terreau, de l’eau, de la lumière, un échafaudage et de l’espoir. » 

Avec Empy Lot, il a souhaité résumer sa carrière artistique, créer une installation qui puisse synthétiser son travail et ce qu’il est devenu de lui en tant qu’artiste. Une sorte d’autoportrait vivant.

Sa pratique artistique est intrinsèquement liée à son histoire familiale, à son passé d’enfant de migrants, qui ont tout quitté pour s’installer dans une zone rurale « à risque » appelée Ajusco (au sud de Mexico City). C’est là que beaucoup de choses ont basculé pour Abraham Curzvillegas. Dans ces zones, les gens s’entraident et vivent avec ce qu’ils trouvent.
«  I always do things as I can », je fais toujours avec les moyens du bord : la récupération, les objets trouvés, jetés, abandonnés, tout ça représente une source inépuisable à ses yeux. Nous pouvons tout réutiliser, il faut juste apprendre à regarder. Ainsi, une porte de toilette est devenue support pour un des luminaires d’Empty Lot. De la même façon, il a construit le système d’éclairage de toute l’installation : uniquement avec des matériaux de récupération.

Depuis six mois, la nature a pris en main les choses. Elle suit son cours. Empty Lot est une installation en mouvement constant, invisible mais constant. Chaque jour elle arbore une forme différente, elle se transforme et se renouvelle. À l’artiste de jouer avec l’énergie qu’il possède en tant qu’être humain et qu’artiste, de jouer avec cette énergie vitale et de la transformer en énergie positive. À nos yeux de savoir regarder.

Rendez-vous le 3 avril à la Tate Modern pour voir l’œuvre accomplie.


Tate Modern
Bankside
Londres SE1 9TG
Royaume-Uni

10.00–18.00, Dimanche – jeudi
10.00–22.00, vendredi – samedi
Entrée libre