• john clement, Tangerine, 2014 — Chicago, Ill
  • john clement, Mars, 2016 — New Caanan, CT
  • John Clement, Awhoo, 2014 — Lemon Fair Sculpture Park, Shoreham, VT
  • John Clement, Butter Cup, 2011 — Trier, Germany
  • John Clement, Caroco, 2013 — Hilton Head, SC
  • john clement, Casper, 2016 — San Francisco, CA
  • john clement, Houdini, 2015 — Daegu, Korea
  • john clement, Once Upon a Time, 2016 — Atlanta, GA
  • john clement, Skipper, 2010 — Long Island City, NY
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Entretien avec John Clement

Œuvres - 20/02/2017 - Article : Jonathan Goodman

Fruit d’études et d’une collaboration avec des artistes aussi reconnus que Mark di Suvero ou John Henry, le travail géométrique de John Clement se situe sans aucun doute dans la continuité d’une sculpture de grande taille inspirée du constructivisme. Pourtant, son œuvre parvient à dépasser les limites du genre en jouant constamment, dans des compositions curvilignes, sur la forme et l’espace. Son travail juxtapose différentes spirales et arcs d’acier qui une fois assemblés s’animent d’une nouvelle vie. Même si aujourd’hui Clement travaille surtout en extérieur sur des œuvres de grande taille qui font penser au rôle qu’ont pu jouer di Suvero et Henry dans l’art public, ses œuvres plus petites inspirent elles aussi la joie. On ne peut s’empêcher de penser que l’œuvre, de son propre chef, est sur le point de tournoyer sur elle-même pour finalement s’envoler vers l’espace. Bien entendu, l’art en extérieur est forcément différent : il exige une échelle et une conception entièrement publique du rôle de la sculpture au sein d’un espace ouvert. Dans l’œuvre de Clement, l’association à la fois dynamique et dramatique des formes, des lignes et des espaces négatifs renforce une impression de mouvement implicite. Après avoir obtenu un BA de l’Université de Pennsylvanie en 1992, Clement a suivi de brèves études à la New York School of Visual Arts avant de commencer à travailler avec di Suvero et Henry dans les années 90. Parallèlement à de nombreuses expositions en galeries, Clement a également réalisé un grand nombre de commissions et d’installations d’art public aux Etats-Unis et dans le monde entier. Il vit actuellement à Brooklyn et son atelier est situé à proximité de celui de di Suvero à Socrates Park.

Vous avez fait vos études à l’Université de Pennsylvanie, une grande université de lettres. Comment vous êtes-vous préparé à votre carrière de sculpteur ?
A mon avis, il n’y a pas grand-chose qui puisse préparer quelqu’un à une carrière de sculpteur. Il y a tellement de variables, de dynamiques, d’expériences, etc. Tout cela fait de la sculpture un sujet difficile à enseigner. Dans la sculpture, il y a une riche tradition d’histoire orale : des techniques, des idées, des méthodologies qui ne peuvent tout simplement pas être enseignées dans un cadre formel, des savoir-faire et des procédés qui ne peuvent pas même s’apprendre par le biais de lectures. Il est nécessaire de littéralement faire l’expérience des composantes de cet art, d’apprendre en mettant la main à la pâte. Ceci dit, je connais un grand nombre de personnes de l’Université de Pennsylvanie qui sont de véritables pionniers : des penseurs libres qui n’ont pas peur, quelque soit leur profession, d’ouvrir de nouveaux horizons. Former des relations avec des personnes comme celles-là est une aide précieuse lorsqu’on se sent seul et perdu en terre inconnue.

Quand vous êtes retourné à New York après vos études, qu’avez-vous fait ? Quand avez-vous commencé à travailler avec Mark di Suvero ?
J’ai enchaîné les petits boulots en tout genre : barman, assistant d’un fabricant de placards, assistant d’artiste (pour un sculpteur à Chinatown qui me faisait découper des manteaux de fourrure en morceaux pour ensuite les coller sur des mannequins… sans blague), serveur, gardien d’atelier à l’école d’art de New York City… et d’autres dont je ne tiens pas à parler !!! J’ai commencé à travailler pour Mark di Suvero environ un an et demi après mon arrivée à New York, en 1992, par le bais du sculpteur Joel Perlman. Je lui en serai toujours reconnaissant, car cette rencontre a littéralement changé le cours de ma vie.

C’était comment de travailler avec di Suvero ? Qu’avez-vous appris avec lui ? Comment était-ce de travailler sur sa barge, devant le Socrates Park ? Comment avez-vous trouvé votre espace actuel le long des quais d’Astoria ?
En un mot fantastique/incroyable/instructif… bien que j’étais un nouveau-venu sur la scène artistique et qu’à l’époque je ne savais même pas qui Mark était. Mais je savais que je plongeais dans quelque chose de très grand, de très excitant, et de très historique. Bizarrement, j’ai réussi à trouver mon atelier actuel (à un pâté de maisons de celui de Mark à Long Island City) grâce aux contacts que j’ai créés (et gardés) alors que j’étais son assistant. Il y avait, et existe toujours, une aura très particulière autour de ce qu’il a réalisé dans ce quartier (avec son atelier et le Socrates Sculpture Park, qu’il a fondé), et les résidents sont très reconnaissants à Mark et aux artistes qui y ont séjourné. Dans mon cas, je ne faisais que passer à la recherche d’un nouvel atelier un après-midi, et c’est en discutant avec un vieil ami du quartier que j’ai appris qu’il y en avait un de libre. En l’espace de cinq minutes, je visitais l’atelier, discutais avec le propriétaire (dont je connaissais le père lorsque j’habitais le quartier vingt ans plus tôt), et j’obtenais les clés de mon nouveau studio. 

Vous êtes un sculpteur qui travaille à la soudure, sur l’acier. Cela semble être un art en voie de disparition—comme vous l’avez mentionné, vous étiez le seul de votre âge dans une compétition récente (les autres artistes à travailler ainsi étaient plus vieux d’une génération). Pourquoi pensez-vous qu’il en soit ainsi ? Est-ce en partie parce que l’espace est devenu si coûteux à New York ? Ou y a-t-il d’autres raisons ?
La sculpture, c’est difficile. Physiquement, mentalement, financièrement, en tout point ! D’une façon ou d’une autre, j’ai eu la chance de pouvoir continuer. La plupart de ceux que je connaissais il y a vingt ans sont partis. Certains continuent à faire de l’art, mais loin, très loin d’ici. Il y avait, autrefois, un système de soutien solide, un groupe soudé, mais cela a considérablement diminué. Le coût est un facteur important. A New York, réussir à garder un atelier dans lequel on puisse couper et souder de l’acier est quasiment impossible aujourd’hui. D’autre part, les nouvelles technologies (les routeurs CNC, l’impression digitale, etc.) permettent de faire des trucs vraiment cool avec un minimum d’effort physique et sans atelier ! Je suis certain que ma réponse est simpliste, il doit y avoir d’autres facteurs, mais je ne suis pas sociologue (en tout cas pas professionnellement), donc je ne peux pas répondre entièrement à la question.

Vous avez fait de l’art public dans des sites urbains et naturels. En quoi sont-ils différents ? Comment choisissez-vous un site pour une œuvre dans un environnement relativement rural ?
J’ai beaucoup d’œuvres dans ces deux cadres. Il y a un contraste assez fort entre la façon dont une œuvre est perçue selon qu’elle se situe dans un environnement naturel ou urbain. En déplaçant une pièce dans un milieu rural, il est presque impossible de faire concurrence à la nature. Mon approche est de voir comment l’œuvre encadre le paysage qui l’entoure. Mes œuvres ont souvent une ouverture, un espace négatif, et j’essaye d’encourager les spectateurs à observer le paysage à travers l’œuvre tout autant qu’à observer l’œuvre dans le paysage. Cette approche permet à l’œuvre de participer au paysage, plutôt que de s’y imposer comme objet étranger.

Comment ressentez-vous l’art public ? En quoi leur création diffère-t-elle de celle d’œuvres privées ou pour une galerie ?
L’art public est un tout autre animal. Prendre une pièce d’un environnement contrôlé (où s’établit une relation étroite avec le client/le vendeur qui se prête à un discours plus intime) et la placer dans un domaine public, où n’importe qui et TOUT LE MONDE se forge une opinion sur elle, est une expérience intense. J’ai reçu les plus grands éloges, les commentaires les plus pertinents tout comme les attaques les plus virulentes à travers mon travail public. Il faut savoir tous les apprécier.

Quels sont les compétences nécessaires à la soudure ? La patine d’une œuvre extérieure est-elle un souci ? Comment vous assurez-vous que la patine ne se détériore pas ?
La soudure est en fait relativement facile. Je trouve le tricotage ou la couture bien plus difficiles. Je pense que la soudure intimide les gens par son intensité : on travaille avec un voltage puissant et une forte chaleur, mais si on s’y prend correctement, ça n’est pas dangereux. Pour répondre à la deuxième question : oui, la patine/le revêtement sont très importants. Mais une sculpture d’acier, comme toute autre, exigera un certain entretien au cours de son existence. L’oxydation est constante, et l’acier, s’il n’est pas entretenu, s’oxydera. Avec le temps, il va déteindre, mais cela peut facilement être évité avec de l’attention et de l’entretien.  Mais, comme le disait Brancusi : “Tout est temporaire… Comme nous le sommes, entre deux âges de glace.” Ha ha !

Qui sont les artistes, en dehors de di Suvero, avec lesquels vous avez travaillé et qui vous ont influencé ? Quels sont certains des artistes reconnus internationalement qui vous ont ému ?
Pour les sculpteurs avec lesquels j’ai travaillé et que j’ai fréquentés, il n’y en a que quelques-uns : Mark, John Henry, Andrew Ginzel, et Joel Perlman ont tous été pour moi des mentors et ce que j’ai appris avec eux m’a été très précieux tout au long de ma carrière. Mais je suis constamment inspiré par certains de mes contemporains comme Peter Lundberg, Colin Chase, Sarah Swe, Jean Shin et d’autres encore.

Nommez deux projets récents dont vous êtes particulièrement content ? Qu’a impliqué l’accomplissement de ces projets ? Préférez-vous travailler aux Etats-Unis ou à l’étranger ?
L’année passée j’ai été très occupé avec de nombreuses installations, publiques et privées, un peu partout aux Etats-Unis. “Once Upon a Time”, une récente commission de grande taille pour Atlanta, et “Casper”, une autre récente pour San Francisco, ont sans doute été particulièrement satisfaisantes, mais elles s’accompagnent d’une exploration et du développement constants d’autres travaux de moindre envergure effectués en atelier. Les œuvres, quelque soit leur envergure, sont toutes liées les unes aux autres.

De manière générale, que pensez-vous de la sculpture aujourd’hui aux Etats-Unis ? Est-il difficile de trouver des expositions de sculpture en galerie, sans doute pour des raisons financières. Est-ce que l’art est en péril ?
Les galeries sont accessibles, mais le sentiment général que je remarque chez les sculpteurs est qu’ils ne les recherchent pas vraiment parce que ce sont des expositions souvent coûteuses, et les ventes ne couvrent pas toujours les coûts. La publicité est toujours bonne, et il est bon d’exposer en galerie, mais le marché d’acheteurs privés pour des sculpteurs en milieu de carrière semble restreint. Ceci dit, une exposition motive à se bouger les fesses, pousse à créer de nouvelles œuvres, et à prendre son courage à deux mains et monter l’expo.

Qu’avez de prévu pour l’année prochaine ? Quels sont les projets les plus excitants pour vous ?
J’ai des commissions en cours pour Manhattan, le Wisconsin, et Washington D.C., et une nouvelle série d’œuvres plus petites dans l’atelier. J’ai également un catalogue en cours. Les œuvres sont de tailles variées (de 45 centimètres à plus de 5 mètres avec des tubes de différents diamètres); ça va être génial d’y travailler et de les installer.