• Sheila Hicks dans les jardins du musée Carnavalet-Histoire de Paris en 2016 © Droits réservés © Adagp, Paris, 2018
  • Sheila Hicks dans les jardins du musée Carnavalet-Histoire de Paris en 2016 © Droits réservés © Adagp, Paris, 2018
  • Sheila Hicks dans les jardins du musée Carnavalet-Histoire de Paris en 2016 © Droits réservés © Adagp, Paris, 2018
  • Sheila Hicks dans les jardins du musée Carnavalet-Histoire de Paris en 2016 © Droits réservés © Adagp, Paris, 2018
  • SHEILA HICKS, PROSERPINE EN CHRYSALIDE, 2017 RUBANS, TEXTILES, CORDES, BRANCHAGES COURTESY DE L’ARTISTE, GALERIE FRANK ELBAZ (PARIS), ALISON JACQUES GALLERY (LONDRES), GALLERIA MASSINO MININI (BRESCIA), SIKKEMA JENKINS (NEW YORK) © ADAGP, PARIS 2018
  • Sheila Hicks Lignes de vie © Centre Pompidou Philippe Migeat © Adagp, Paris, 2018
  • Sheila Hicks Lignes de vie © Centre Pompidou Philippe Migeat © Adagp, Paris, 2018
  • Sheila Hicks Lignes de vie © Centre Pompidou Philippe Migeat © Adagp, Paris, 2018
  • Sheila Hicks Lignes de vie © Centre Pompidou Philippe Migeat © Adagp, Paris, 2018
  • Sheila Hicks Lignes de vie © Centre Pompidou Philippe Migeat © Adagp, Paris, 2018
  • Sheila Hicks Lignes de vie © Centre Pompidou Philippe Migeat © Adagp, Paris, 2018
  • Sheila Hicks © Cristobal Zanartu
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Sculpter le textile: Sheila Hicks

Œuvres - 01/03/2018 - Article : Barbara Fecchio

Le Centre Pompidou a invité l’artiste américaine Sheila Hicks pour Lignes de vie, une rétrospective qui retrace les soixante années de carrière de cette pionnière de l’art textile. Tourbillons de textures et cascades de couleurs partagent l’espace d’exposition avec des œuvres plus intimes et de petit format appelées Minimes. Une invitation à s’immerger dans un univers de formes végétales, de gestes ancestraux et de vibrations des couleurs et l’occasion de revenir sur une sélection de projets en extérieur récents ou en cours de l’artiste.

Apprentissages
Née en 1934 au Nebraska, au cœur des États-Unis, Sheila Hicks, apprend la peinture à la Yale School of Arts and Architecture (Connecticut, États-Unis). Elle y est profondément influencée par l’enseignement de l’artiste textile Anni Albers, du peintre et théoricien de la couleur Josef Albers et de l’historien d’art George Kubler, l’un des plus grands spécialistes de l’art précolombien et de l’art ibéro-américain, connu pour son ouvrage Formes du temps. Remarques sur l’histoire des choses (1973). De nombreux voyages en Amérique du Sud (Venezuela, Colombie, Pérou, Bolivie, Brésil, etc.) et cinq années passées au Mexique nourrissent sa curiosité pour l’art textile précolombien ; en allant à la rencontre de tisserands indigènes et en visitant les sites archéologiques pré-incas, elle y découvre de nombreuses techniques et matières. C’est là que commence une recherche qui se poursuit encore aujourd’hui autour des fibres, des fils et des tissus : Sheila Hicks observe les matières, s’imprègne de leur mouvement, dissèque leur langage et façonne son propre idiome, y ajoutant la couleur, fondamentale dans son œuvre. Son travail est principalement constitué de bas reliefs, tapisseries, toiles tissées et sculptures de grand et petit format. Chacune de ses interventions, à l’intérieur comme à l’extérieur, implique toujours une réflexion et un dialogue avec le contexte physique et architecturale du lieu. La sculpture et son environnement communiquent, au point qu’elle appelle ses installations des « sculptures environnementales ».

Lignes de vie à Pompidou
Pour l’exposition Lignes de vie, Sheila Hicks a choisi de travailler avec le commissaire Michel Gauthier parce qu’« il n’est pas spécialiste du tissu ».1 Un choix qui témoigne son refus de cantonner le tissage à de l’art décoratif. « Dans les années 60-70, elle voulait glisser sans limite du design, à la décoration, à l’art. En ces temps qui voulaient que chacun choisisse son camp et sa technique, cette position à cheval entre les domaines n’a sans doute pas aidé à une aussi large reconnaissance que celle qu’elle méritait »2, explique Michel Gauthier.
On découvre l’exposition dès l’extérieur du musée, car les parois de la Galerie 3 (niveau 1) sont partiellement visibles dès la rue qui longe le Centre. La couleur des ballots des Sentinelles de safran attire l’œil comme un aimant, et une fois à l’intérieur de la galerie, une seule envie émerge : toucher. Parce que l’œuvre de Sheila Hicks devrait se toucher, se palper, se vivre, ce que le gardiennage des muséal ne permet malheureusement pas. Des tourbillons de fils tombent du plafond, la couleur explose, les formes se renvoient la parole les unes aux autres. Par moment, on se croirait dans une forêt amazonienne entouré de lianes, de troncs d’arbres, de rochers, de cours d’eau…

À ciel ouvert
Sheila Hicks investit autant les espaces fermés que les espaces ouverts. Grâce à un pigment conçu avec un liant acrylique qui résiste aux intempéries, elle peut investir des espaces extérieurs sans que la matière se détériore.
À l’automne 2016, elle est l’une des artistes invités au Festival d’Automne (Paris) et investit, entre autre, les jardins du Musée Carnavalet, le plus ancien musée municipal de la capitale. Pour ces deux jardins à la française, elle réalise une série d’installations in situ sur plusieurs niveaux, en réponse à l’architecture du site. Au niveau du sol, elle s’approprie des broderies végétales du jardin et jonche les espaces vides avec des fibres pigmentées. Sur l’axe vertical, elle choisit le balcon central pour projeter une cascade de laine grecque et les arcades pour accrocher des toiles tissées.

En juin 2017 (et jusqu’en mars 2018), pour répondre à une commission des Amis de la High Line, Sheila Hicks installe Hop, Skip, Jump, and Fly: Escape From Gravity (2017) sur le Western Rail Yards. Cette œuvre in situ est constituée de tubes de tissus monochromes de plusieurs mètres qui longent l’ancienne voie ferrée. Les tubes se croisent, se chevauchent et suivent chacun une direction plus ou moins aléatoire qui évoque la frénésie des mouvements urbains et la variété architecturale propre au quartier.

À l’automne dernier, Sheila Hicks a également participé à Voyage d’Hiver au Château de Versailles, une exposition collective de dix-sept artistes contemporains transformant les bosquets des jardins de Louis XIV en musée à ciel ouvert. L’artiste avait investi le bassin du Bosquet de la Colonnade avec Proserpine en Chrysalide (2017), une installation qui recouvrait entièrement l’ensemble sculpté de François Girardon L’Enlèvement de Proserpine par Pluton, qui fait référence au passage de l’automne à l’hiver. Le cycle des saisons est ainsi au cœur de l’installation de l’artiste: les bandeaux de tissus passent de l’orangé au bleu glacial, évoquant le passage des saisons, de l’automne à l’hiver. Les bandeaux partent du sommet de la sculpture et suivent le diamètre du bassin, où ont été placées des branches des arbres du parc, dessinant ainsi une horloge cosmique.

Sheila Hicks. Lignes de vie
Du 7 février au 30 avril 2018
Galerie 3 – Centre Pompidou, Paris

1 et 2 Florence Dauly, Depuis 60 ans, l’art spectaculaire de Sheila Hicks ne tient qu’à un fil (Telerama 07/02/2018)