• Carmen Herrera, Angulo Rojo, 2017 Acrylic and aluminum, 84 x 120 7/8 x 19 in. © Carmen Herrera; Courtesy Lisson Gallery. On view as part of Carmen Herrera: Estructuras Monumentales, presented by Public Art Fund at City Hall Park, New York City, July 11, 2019 – November 8, 2019 Photo: Nicholas Knight, Courtesy of Public Art Fund, NY  
  • Carmen Herrera, Angulo Rojo, 2017 Acrylic and aluminum, 84 x 120 7/8 x 19 in. © Carmen Herrera; Courtesy Lisson Gallery. On view as part of Carmen Herrera: Estructuras Monumentales, presented by Public Art Fund at City Hall Park, New York City, July 11, 2019 – November 8, 2019 Photo: Nicholas Knight, Courtesy of Public Art Fund, NY  
  • Carmen Herrera, Angulo Rojo, 2017 Acrylic and aluminum, 84 x 120 7/8 x 19 in. © Carmen Herrera; Courtesy Lisson Gallery. On view as part of Carmen Herrera: Estructuras Monumentales, presented by Public Art Fund at City Hall Park, New York City, July 11, 2019 – November 8, 2019 Photo: Nicholas Knight, Courtesy of Public Art Fund, NY  
  • Carmen Herrera, Estructura Verde, 1966/2018 Acrylic and aluminum, 84 x 147 1/8 x 10 1/2 in. © Carmen Herrera; Courtesy Lisson Gallery. On view as part of Carmen Herrera: Estructuras Monumentales, presented by Public Art Fund at City Hall Park, New York City, July 11, 2019 – November 8, 2019 Photo: Nicholas Knight, Courtesy of Public Art Fund, NY  
  • Carmen Herrera, Estructura Verde, 1966/2018 Acrylic and aluminum, 84 x 147 1/8 x 10 1/2 in. © Carmen Herrera; Courtesy Lisson Gallery. On view as part of Carmen Herrera: Estructuras Monumentales, presented by Public Art Fund at City Hall Park, New York City, July 11, 2019 – November 8, 2019 Photo: Nicholas Knight, Courtesy of Public Art Fund, NY  
  • Carmen Herrera, Pavanne, 1967/2017 Acrylic and aluminum, 108 x 108 x 72 in. © Carmen Herrera; Courtesy Lisson Gallery. On view as part of Carmen Herrera: Estructuras Monumentales, presented by Public Art Fund at City Hall Park, New York City, July 11, 2019 – November 8, 2019 Photo: Nicholas Knight, Courtesy of Public Art Fund, NY  
  • Carmen Herrera, Pavanne, 1967/2017 Acrylic and aluminum, 108 x 108 x 72 in. © Carmen Herrera; Courtesy Lisson Gallery. On view as part of Carmen Herrera: Estructuras Monumentales, presented by Public Art Fund at City Hall Park, New York City, July 11, 2019 – November 8, 2019 Photo: Nicholas Knight, Courtesy of Public Art Fund, NY  
  • Carmen Herrera, Pavanne, 1967/2017 Acrylic and aluminum, 108 x 108 x 72 in. © Carmen Herrera; Courtesy Lisson Gallery. On view as part of Carmen Herrera: Estructuras Monumentales, presented by Public Art Fund at City Hall Park, New York City, July 11, 2019 – November 8, 2019 Photo: Nicholas Knight, Courtesy of Public Art Fund, NY  
  • Carmen Herrera, Amarillo Tres, 1971/2018 Acrylic and aluminum, 84 x 63 x 10 in. © Carmen Herrera; Courtesy Lisson Gallery. On view as part of Carmen Herrera: Estructuras Monumentales, presented by Public Art Fund at City Hall Park, New York City, July 11, 2019 – November 8, 2019 Photo: Nicholas Knight, Courtesy of Public Art Fund, NY 
  • Carmen Herrera, Amarillo Tres, 1971/2018 Acrylic and aluminum, 84 x 63 x 10 in. © Carmen Herrera; Courtesy Lisson Gallery. On view as part of Carmen Herrera: Estructuras Monumentales, presented by Public Art Fund at City Hall Park, New York City, July 11, 2019 – November 8, 2019 Photo: Nicholas Knight, Courtesy of Public Art Fund, NY 
  • Carmen Herrera, Amarillo Tres, 1971/2018 Acrylic and aluminum, 84 x 63 x 10 in. © Carmen Herrera; Courtesy Lisson Gallery. On view as part of Carmen Herrera: Estructuras Monumentales, presented by Public Art Fund at City Hall Park, New York City, July 11, 2019 – November 8, 2019 Photo: Nicholas Knight, Courtesy of Public Art Fund, NY 
  • Carmen Herrera, Untitled Estructura (Red), 1962/2018 Acrylic and aluminum, 96 x 128 3/8  x 45 7/8 in. © Carmen Herrera; Courtesy Lisson Gallery. On view as part of Carmen Herrera: Estructuras Monumentales, presented by Public Art Fund at City Hall Park, New York City, July 11, 2019 – November 8, 2019 Photo: Nicholas Knight, Courtesy of Public Art Fund, NY  
  • Carmen Herrera, Untitled Estructura (Red), 1962/2018 Acrylic and aluminum, 96 x 128 3/8  x 45 7/8 in. © Carmen Herrera; Courtesy Lisson Gallery. On view as part of Carmen Herrera: Estructuras Monumentales, presented by Public Art Fund at City Hall Park, New York City, July 11, 2019 – November 8, 2019 Photo: Nicholas Knight, Courtesy of Public Art Fund, NY  
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Carmen Herrera: Estructuras Monumentales
au City Hall Park (New York)

Actualités - 29/07/2019 - Article : Jonathan Goodman

Carmen Herrera est aujourd’hui âgée de 104 ans. Elle reçoit, enfin, l’attention qu’elle mérite. Originaire de Cuba, l’artiste s’installe à New York au milieu des années 50, où son travail ne parvient pas à attirer l’attention du monde de l’art, en partie parce qu’Herrera était une femme cubaine à une époque où ces deux attributs faisaient d’elle une étrangère, et en partie parce qu’elle ne cherchait pas activement à se faire remarquer. Mais aujourd’hui, son moment de gloire est arrivé, et de façon grandiose, sans aucun doute grâce à une importante exposition au Whitney Museum il y a deux ans qui a su révéler son œuvre au grand public. Si elle est avant tout peintre, Herrera est également sculpteur, comme le montre cette excellente exposition au City Hall Park. On pourrait affirmer que même dans ses sculptures, aux couleurs vives, aux formes minimalistes, faites d’aluminium et peintes simplement d’une couleur unique comme le rouge ou le jaune, la sensibilité de l’artiste demeure avant tout picturale. Son œuvre fonctionne remarquablement bien dans un contexte public, en partie parce qu’il n’est chargé d’aucune histoire culturelle. Si l’esthétique agréable des formes géométriques marque l’esprit du visiteur, c’est grâce à leur effet immédiat et à un choix judicieux de leur emplacement. En fait, l’art d’Herrera remonte loin dans l’histoire aujourd’hui respectée du modernisme, et ses créations ont fait preuve, dès le début, d’une grande efficacité et d’une grande sophistication. En outre, son style géométrique ne s’est jamais démodé à New York, ville toujours éprise de ses rues à angle-droits et de ses hauts gratte-ciels qui servent de toile de fond à l’exposition d’Herrera, même dans le centre ville (au-dessus de Wall Sreet), où les immeubles n’atteignent pas les hauteurs des gratte-ciels de “midtown”.

Le City Hall Park entoure l’hôtel de ville, et ne se situe qu’à une centaine de mètres de la promenade en bois du pont qui mène à Brooklyn. Si le parc est loin d’être une destination touristique, il attire de nombreux passants, généralement ceux qui effectuent le pèlerinage du sud de East River vers le quartier de Brooklyn Heights. Quel endroit pourrait être mieux choisi pour accueillir l’exposition d’Herrera, non loin de son atelier de Chelsea? Les sculptures, installées au milieu des buissons ou exposées aux regards des visiteurs du parc, participent d’une lecture permanente et formaliste de l’art au sein du paysage urbain. Notre réaction face aux œuvres contraste avec les efforts de l’art contemporain, de plus en plus porteur de protestations politiques. New York a toujours été un gigantesque incubateur d’abstraction formaliste et reste un endroit où les artistes qui créent de cette manière s’épanouissent et murissent. Si la forme des œuvres d’Herrera remonte à une période lointaine de sa carrière, cela ne signifie pas pour autant qu’elle y soit enracinée, ou que la place de ses œuvres au sein de sa relation personnelle à l’art discrédite l’immédiateté de notre ressenti face à son œuvre. Il s’agit plutôt de savoir si des formes aussi simplifiées parviennent à maintenir la curiosité artistique sur le long terme, c’est-à-dire dans le futur. Je pense que le gestalt de la sculpture d’Herrera est assez bien défini et assez original pour marquer durablement son public, en offrant un ressenti de l’œuvre renforcé par le choix de son emplacement au sein d’un espace public. C’est exactement ce que l’art public est sensé offrir. 

Quant aux sculptures, ce sont d’élégantes peintures tridimensionnelles qui ont tendance à souligner une orientation frontale, un positionnement sans doute imposé par le Public Art Fund pour des raisons pratiques liées aux contraintes du terrain dues aux petites pelouses, aux bancs de jardin et à la circulation des piétons. Angulo Rojo (2017), un triangle rouge sans base, mesure un peu plus de trois mètres de haut. Il est installé sur un piédestal en béton au milieu du parc, dominant le site et l’espace qui l’entourent de manière imposante. Sa surface extérieure rouge vif attire le regard comme un aimant, soulignant ainsi ses énergies quasi-architecturales. Dans la plupart des œuvres d’Herrera, qu’il s’agisse de ses peintures comme de ses sculptures, la géométrie n’est pas seulement exprimée; des angles légers et des arêtes inachevées forcent l’œuvre (et le spectateur) vers une perception d’une idiosyncrasie où l’image en négatif devient bien plus intéressante en tant qu’art.

L’art de qualité, en particulier lorsqu’il s’agit d’abstraction géométrique, a tendance à reposer sur une excentricité technique dont les effets viennent chambouler nos attentes quant à l’unité de la forme. C’est une subversion visuelle qui n’est pas sans conséquences, surtout quand elle s’inscrit dans le domaine de l’art public, dont on peut raisonnablement présupposer qu’il est porteur d’une signification politique, sociale et formelle. Il est impossible d’associer avec certitude l’abstraction à un point de vue politique, même si le constructivisme russe était intiment lié à la Révolution Soviétique. Mais tout cela est terminé aujourd’hui, et nous ne pouvons plus qu’apporter des commentaires timides sur le radicalisme, aujourd’hui familier, d’une forme d’art particulière et révolue. Herrera participe inévitablement à un langage politiquement neutre, bien que ça n’ait pas été toujours le cas. Malheureusement, nous finissons par porter notre attention à la forme, à la couleur et à la surface d’une œuvre abstraite dont la signification au niveau social était bien plus importante qu’elle ne l’est aujourd’hui.

Mais même si nous recourons à une lecture principalement esthétique de cette œuvre, elle n’en reste pas moins élégante et merveilleusement complexe. En dépit de l’apparente simplicité du gestalt de la sculpture, la couleur vert foncé dont elle est couverte donne à l’œuvre une aura grave, presque solennelle. On hésite à conférer une perception trop émotionnelle à un art qui se veut si résolument non-objectif, et pourtant on pourrait également dire que nous n’en avons pas le choix, puisque les œuvres sont en apparence dénuées de sentiments humains. Untitled Estructura Red (1962/2018), merveilleux travail d’imbrication de sculptures où la partie inférieure est sertie d’un bras qui s’élève dans l’élément plus imposant qui l’encadre, nous montre combien l’interaction entre de simples formes géométriques peut être satisfaisante. Herrera utilise systématiquement le mot espagnol pour “structures” afin de décrire ses efforts, et le concept qui l’accompagne souligne la nature principalement impersonnelle de son art. Il nous faut lire, par exemple, les circonstances malheureuses de la maladie mortelle de son frère, car sans elles il nous est impossible de deviner l’évènement tragique qui anime l’œuvre d’art.

Mais peut-être ne faut-il pas trop se préoccuper des informations relatives à ces remarquables œuvres d’art. L’abstraction peut en effet être liée à certaines préoccupations ou situations humaines, mais elle porte principalement sur elle-même, sur ses propres paradigmes de formes et de couleurs et sur sa composition globale. Le modernisme, qui a aujourd’hui plus de cent ans, nous aurait inévitablement invités à considérer ces propriétés comme nécessitant une recherche. Mais face à l’abstraction, le public aurait tout aussi inévitablement exploré, dans un besoin d’humaniser l’inhumain, les façons dont l’art non-objectif peut être transformé en art figuratif, autant d’un point de vue formel que thématique. Pourtant, l’art d’Herrera étant si lointain de l’humain tel que nous le concevons habituellement, il est logique d’en faire une lecture purement formelle. Dans les œuvres décrites ici, l’intérêt visuel résulte systématiquement du fait que l’idée que nous nous faisons de la forme géométrique normale ou conventionnelle subit de légères altérations. Ces petites failles qui séparent une partie de l’œuvre d’une autre, ainsi que la façon dont chaque pièce équilibre et contient d’autres éléments de la même œuvre, montrent qu’Herrera suscite l’intérêt grâce à des subtilités nées d’un respect tout particulier pour la forme abstraite. 

Dans une ville où l’on envisage de retirer certaines statues de personnalités en raison de leur rôle controversé dans l’histoire, peut-être que l’art se doit-il d’être non-objectif, comme celui d’Herrera. On pourrait également apporter un commentaire formel qui consisterait à dire que cette œuvre peut être vue comme faisant partie intégrante de l’urbanisme “en grille” de Manhattan, où immeubles et gratte-ciels s’encastrent en angles droits, de façon géométrique. Pourtant, on se souvient que la sculpture servait au départ à commémorer les morts. Ainsi, l’art d’Herrera échappe à ses fonctions conventionnelles au profit d’un langage confortablement calé dans l’architecture qui l’entoure. Il n’y a certainement rien de mal à cela, et Herrera est douée d’un tel talent artistique que la notion d’un exposé objectif, en opposition à humain, devient un moyen de célébration. De l’esprit humain, étrangement! (La sculpture est, après tout, une entreprise humaine, et non mécanisée). L’œuvre d’Herrera n’offre peut-être pas une apothéose d’émotions, mais elle suggère magnifiquement l’ampleur du plaisir que procure la forme. L’exposition au City Hall Park ne fait pas que reconnaître l’œuvre d’une grande artiste longtemps négligée, mais illustre également l’histoire vibrante, et encore bien vivante, d’une manière de travailler qui, aux vues de ses origines datant du début du siècle dernier, mérite plus de respect qu’on ne voudrait l’admettre.

Carmen Herrera: Estructuras Monumentales
11 juillet – 8 novembre 2019
New York