• Heather Phillipson, THE END, © James O Jenkins. Courtesy of the artist
  • Heather Phillipson, THE END, © James O Jenkins. Courtesy of the artist
  • Damián Ortega, High Way, © James O Jenkins. Courtesy of the artist
  • Damián Ortega, High Way, © James O Jenkins. Courtesy of the artist
  • Huma Bhabha, Untitled, © James O Jenkins. Courtesy of the artist
  • Michael Rakowitz, The Invisible Enemy Should Not Exist, © James O Jenkins. Courtesy of the artist
  • Michael Rakowitz, The Invisible Enemy Should Not Exist, © James O Jenkins. Courtesy of the artist
  • Raqs Media Collection, The Emperor’s Old Clothes, © James O Jenkins. Courtesy of the artists and Frith Street Gallery
  • Raqs Media Collection, The Emperor’s Old Clothes, © James O Jenkins. Courtesy of the artists and Frith Street Gallery
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The Fourth Plinth, l’exposition des œuvres sélectionnées

Actualités - 17/02/2017 - Article : Claire Shea

“N’importe quoi…”, bougonne un homme assis à mes côtés dans le hall de la National Gallery lors de l’exposition des sculptures présélectionnées pour la Fourth Plinth. C’est là tout le charme de la Fourth Plinth : le public est invité à débattre sur la sculpture et l’art contemporain. Qu’ils aiment ou qu’ils détestent, les gens apprécient de prendre part à la discussion. Les cinq œuvres présélectionnées pour les commissions de 2018 et 2020 et actuellement exposées représentent diverses pratiques artistiques. Ce sont des œuvres diverses et aux engagements politiques variés. Cette présélection est à ce jour la plus internationale, avec des artistes et des collectifs d’Angleterre, des Etats-Unis, du Mexique, d’Inde et du Pakistan.

L’œuvre Untitled, de l’artiste new-yorkaise d’origine pakistanaise Huma Bhaba, est une silhouette de liège et de polystyrène aux allures préhistoriques, post-apocalyptiques. Cette sculpture associe deux matériaux qui semblent au premier abord mal assortis. L’un est organique, fruit ancestral de la nature, l’autre est un matériau d’un blanc cru, produit de la technologie moderne, une menace pour notre environnement naturel. Bhaba combine ces matériaux pour créer ce personnage d’un autre monde. Untitled fait référence à tout un éventail de la sculpture moderniste, des constructions binaires de Brancusi aux formes expressives de Rodin. Selon elle, ses influences vont du classique du cinéma de science fiction “Stalker” à l’architecture des cités anciennes. Untitled, à l’image des différentes strates de sa structure matérielle, est une œuvre offrant une multitude d’interprétations et de références, ce qui en fait une sculpture riche et évocatrice.

Elle aussi inspirée par l’architecture des cités anciennes, l’œuvre de l’artiste américain Michael Rakowitz, The Invisible Enemy Should Not Exist, s’inscrit dans un projet sur le long terme consistant à recréer plus de 7000 objets dérobés au Musée d’Irak pendant la guerre et détruits par la suite, qu’il fabrique avec des emballages alimentaires recyclés provenant du Moyen-Orient.

Pour la Fourth Plinth, Rakowitz a proposé de fabriquer un Lamassu, taureau ailé et divinité protectrice qui gardait la porte de Nergal du temple de Ninive au nord de l’Irak depuis 700 av. JC avant d’être détruit par ISIS au mois de février 2015, tout comme de nombreux autres objets du Musée de Mossoul. L’œuvre originale mesurait environ 4 mètres de haut, des dimensions similaires à celle de l’œuvre proposée pour la Fourth Plinth. Le Lamassu de Rakowitz sera recréé à partir de boîtes de sirop de dates iraquiennes recyclées, hommage à cette industrie autrefois fameuse aujourd’hui décimée par les guerres en Irak.

En recréant le Lamassu sur Trafalgar Square, Rakowitz espère que celui-ci pourra continuer à assumer son rôle de gardien du passé, du présent et du futur de Ninive, même si ce n’est qu’en tant que « réfugié », ou que fantôme. En utilisant des matériaux simples, Rakowitz propose une œuvre aux facettes multiples, faisant référence à la fois à la guerre, à l’industrie, et à l’histoire.

Comme l’œuvre de Rakowitz, l’œuvre du collectif d’artistes indiens de Raqs Media intitulé The Emperor’s Old Clothes aborde elle aussi les thèmes du déplacement et de la disparition. The Emperor’s Old Clothes utilise des vestiges de sculptures issues de l’Empire Britannique trouvés au Coronation Park de Delhi, un site considéré historiquement comme son lieu de naissance. L’œuvre associe cela au conte de Hans Christian Anderson sur l’empereur dupé par des tailleurs l’ayant convaincu de porter un costume soi-disant invisible pour les personnes incapables dans leurs fonctions. Cette œuvre soulève la question de la présence et de l’absence de pouvoir. The Emperor’s Old Clothes encourage également le spectateur à observer les sculptures des autres socles de Traflagar Square pour mieux comprendre ce qu’elles représentent. Fait de résine opaque pour créer un effet de transparence, ce voile à la fois simple et évocateur encourage à une contemplation et à une réflexion sur l’histoire, le pouvoir, et le récit.

THE END, de l’artiste britannique Heather Phillipson, se penche sur certaines de ces problématiques, mais à travers l’excès. Sa sculpture prend la forme d’une montagne de crème couronnée d’une cerise, dégoulinant sur son socle. Un parasite s’y cache. Juste à côté, un drone est piégé dans la crème, mettant en garde les spectateurs de l’omniprésence de la surveillance, surtout dans des lieux publics très fréquentés tels que Trafalgar Square. En fait, la tige de la cerise contient une caméra qui filme les passants et projette l’image sur un écran installé sur le piédestal. THE END est une sculpture à la fois drôle et sinistre qui encourage le spectateur à réfléchir à la surabondance et à l’excès.

En contraste total, l’œuvre de l’artiste mexicain Damian Ortega High Way fait l’éloge des choses simples de la vie. Sa sculpture, assemblage d’un camion, de bidons d’huile, d’échafaudages et d’échelles est inspirée des monuments de la rue, des structures et inventions qu’il aperçoit souvent le long de la route. Cette œuvre rend hommage au journalier, à ce qu’on ne prend pas le temps de regarder. High Way semble démontrer que certaines choses, sous une apparence irrégulière, bancale et frêle, peuvent se révéler être stables et durables et doivent être appréciées à leur juste valeur.

Ces cinq présélections sont exposées à la National Gallery de Londres jusqu’au 26 mars 2017. Les visiteurs sont invités à soumettre leurs préférences sur à l’exposition ou sur le site de la mairie de Londres. Au final, le comité de la Fourth Plinth sélectionnera deux œuvres pour remplacer la sculpture actuelle, un pouce en bronze de 7 mètres de haut aux proportions exubérantes, de l’artiste britannique David Shrigley intitulée Really Good. Une œuvre qui a pour but d’apporter une touche d’optimise, et de montrer que forcément, quelque part, quelque chose doit être « vraiment bon ». Les œuvres présélectionnées associent intelligence, humour et intérêt visuel pour aborder des sujets importants. Quelque soit l’œuvre sélectionnée pour le plus petit jardin de sculpture du monde, ces sculptures finiront toutes par être reconnues comme étant, assurément, « really good ».

Fourth Plinth Shortlist Exhibition
19 janvier – 26 mars 2017

The National Gallery
Annenberg Court
Trafalgar Square
Lobdres WC2N 5DN
nationalgallery.org.uk

Horaires d’ouverture
Tous les jours de 10h à 18h
Jeudis 10h – 21h