• Vue du Zentrum Paul Klee à berne, suisse
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  • © Zentrum Paul Klee
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Carte postale du Zentrum Paul Klee
Berne

Destinations - 17/07/2019 - Article : Olivier Gabrys

C’est un lieu un peu magique, au bout de la ligne 12, à peine franchie l’autoroute. Un lieu qui vous happe, qui vous ravit, au sens d’un enlèvement délicieux, sans heurt ni violence, dans la douceur et la rondeur de ses courbes scintillantes.
C’est un centre d’art, en forme d’onde inscrite dans le paysage, au cœur des couches de paysages qui composent autour d’elle un écrin sinueux, verdoyant, moutonneux.

Prendre le chemin du Zentrum Paul Klee de Berne, c’est s’extraire en une dizaine de minutes du centre effervescent d’une capitale, pour se retrouver en prise directe avec la simplicité des formes, avec un foisonnement champêtre de couleurs, avec le chant des oiseaux.
La chaîne de montagnes enneigées, grandes figures sacrées de l’Oberland bernois, offre au bâtiment un arrière-plan somptueux, quand la météorologie consentante fait jouer ombres et lumières sur les cimes. Si loin, si proches.

Une fois sorti du bus rouge, quelques pas suffisent pour s’approcher de l’architecture pensée avec intelligence et sensibilité par Renzo Piano. C’est le quatrième musée, monographique celui-ci, imaginé par l’architecte et inauguré en 2005 : trois vagues d’acier, soudées à la main, partiellement recouvertes de verdure ondoyante, discrètement découpées à la surface des collines qui bordent la ville. Elles s’appréhendent à hauteur de mon regard qui glisse et joue de découvrir cette reposante continuité de formes et de surfaces.
Seule une sculpture monumentale, rouge elle aussi, pensée par Piano mais inspirée d’une aquarelle du peintre de 1937, Labiler Wegweiser (panneau instable), se dresse tel un étendard fragile, ouvert au vent, pour dire l’équilibre sensible et harmonieux qui règne en ce lieu.

Le Zentrum Paul Klee abrite pourtant, habilement dissimulés sous-terre, deux espaces d’exposition, un musée pour enfants, une bibliothèque, un auditorium, chacune de ses trois vagues étant respectivement dédiée à la tête pour la partie administrative, au cœur pour celle qui abrite les collections, les expositions, et à la main pour les espaces consacrés à la musique, chère au peintre, à la médiation et à la détente.
Après plus de deux heures passées en ces murs, je me sens en effet pleinement connecté à ce que je pense, à ce je ressens, et mais aussi à ce que mes doigts ont à présent envie de transformer, pour suivre les élans d’inspiration qui me traversent.

Le geste architectural touche, séduit, vous accueille dans une succession d’espaces spacieux, lumineux et épurés pour préserver un dialogue constant avec la nature environnante. Les abeilles, de l’autre côté de la vitre, ne s’y trompent pas. Des sculptures/modules colorés des artistes américano-suisses Lang/Baumann s’intègrent harmonieusement dans la dynamique des espaces. Piano a voulu faire de la colline une seule image, « un musée de nature silencieuse ». Il y est parvenu.

Au-delà d’un bassin aménagé, un jardin de sculptures issues de la collection Martha Müller-Lüthi rappelle le penchant de Klee pour la nature. De part et d’autre d’une allée de bouleaux, six œuvres discrètes, laissées pour l’heure à la caresse des hautes herbes et des orties, dialoguent elles-aussi avec le paysage. Que ce soient les bronzes d’Alicia Penalba, les pièces en acier Corten d’Oscar Wiggli ou celles d’Yves Dana, elles contribuent à l’atmosphère du site, propice à la retraite, à l’ouverture au monde.

Pensé dans sa globalité comme une sculpture paysagère, le centre culturel rayonne sur tout le site de « Schöngrün » qui porte bien son nom de belle verdure. Juste à côté, le cimetière de Schlosshalden, étrangement accueillant où, tout en haut d’un monticule spiralé, s’offrent une « Luft-Station » inspirée par le titre d’une œuvre de Klee, et cette vue imprenable sur les correspondances entre le musée et son décor. Des étudiants y viennent dessiner, travailler par cette chaude et paisible matinée de juin.

Rarement j’ai eu l’occasion de poser mes yeux sur la tombe d’un peintre et de son épouse, dans un si grande proximité avec le site majestueux qui lui ai dédié. Rarement je me suis senti aussi serein dans un jardin de sépultures.

Cet été, le centre culturel propose deux expositions : l’une consacrée à Klee et à ses amis proches et nombreux (Macke, Moilliet, Delaunay, Kandinsky, Picasso, Arp et d’autres) et « Ekstase » qui détaille à travers peintures, photos, vidéos et d’autres supports, les chemins vertigineux de cet état propice aux champs de la création.

Oui, il y a bel et bien de la magie chez Paul Klee et dans cet espace qui respire et accueille la plus importante collection d’œuvres de cet artiste, penseur et poète.
J’ai la sensation de l’avoir effleurée ce matin, de m’en être imprégné. Comme la couleur à Kairouan en Tunisie a touché Klee, et l’a confirmé dans son identité de peintre, pour toute la suite de sa passionnante carrière.

Zentrum Paul Klee Berne
Mar – Dim 10h – 17h