Julie Chaffort, Somnambules à la Fondation Bullukian
Julie Chaffort, lauréate de la troisième édition du Prix Bullukian, propose, dans l’espace de la fondation à Lyon, jusqu’à la fin décembre, une singulière expérience de présence au monde, une nouvelle aventure du sensible.
Seul spectateur privilégié de ce début d’après-midi, je m’installe devant les trois écrans, me laisse guider dans ce bain de nature. Un bain de verdure et de sons, qui parle à nos espaces profonds, à nos tripes.
Julie Chaffort invite sept chanteurs de pratiques et d’horizons différents, dans les paysages de La Petite Escalère, lors de sa récente résidence dans ce jardin de sculptures, sur les bords de l’Adour, à la frontière des Landes et du Pays Basque. Elle les immerge dans la végétation, cadre touffu d’herbes et de branches en mouvement, les écoute avec patience, les saisit. Des plans du jardin, aubes brumeuses ou sous-bois inondés, accompagnent les portraits de ces explorateurs de la voix. Regards, visages et corps habités, connus ou à découvrir, émus, suspendus, à l’affût, offerts, devant la caméra de l’artiste, à une intense intériorité, précieuse et rare.
Filmés individuellement, en plan rapproché, ils se confrontent à leur présence à l’espace, au territoire, à la force et à la beauté de la nature. Des silences et des ruissellements. Attendant la nécessité du cri, du chant, du frémissement. De la vibration.
Les registres du chant a cappella se confondent, s’étirent et se répondent : pop, lyrique, improvisations ténues, gutturales ou aiguës, résonances de cathédrale végétale, grondements de rock métalleux. Comme de riches appels aux oiseaux, au vent qui caresse, aux fantômes du passé…
L’œil de Julie Chaffort guette, accueille la concentration, la libération, l’épuisement, l’abandon à des forces vitales, souterraines, qui laissent parfois ces solitudes éprouvées, dépouillées. Présences nobles et fières, toutes à l’émotion d’une place conquise, revendiquée par le son. La plasticienne agence les images habitées pour inventer de subtils dialogues de regards et de souffles, fortuits, des parallèles de trajectoires, entre ces visages qui scrutent et interrogent l’horizon.
Le temps s’écoule et je vibre, je voyage avec eux, ces femmes et ces hommes traversés par un lieu, un moment, m’invitant à questionner à mon tour les territoires qui m’entourent, à me les approprier autrement. Et ces espaces à l’intérieur de moi. Langue qui roule et claque dans ma bouche. When I am laid in earth… Les mots de Purcell persistent et m’encouragent au souvenir. De retour dans la ville, je me fais chasseur, aux aguets. Tous les sens en éveil, je ne suis plus tout à fait le même.
Julie Chaffort, née en 1984, a étudié à Bordeaux et à New York. Elle vit et travaille à Bordeaux. L’exposition Somnambules consiste en une installation vidéo (durée 55 minutes) qui se déploie sur trois vidéoprojections simulténées. Elle est visible jusqu’au 31décembre 2016, du mardi au vendredi de 14h à 18h30 et le samedi de 13h à 19h.
Fondation Bullukian
26 place Bellecour
69002 Lyon – France
T: +33 (0)4 72 52 93 34
bullukian.com