• Agnes Denes, The Living Pyramid, 2015 au Socrates Sculpture Park, Queens, New York, du 17 mai au 31 octobre 2015. Photo courtesy Socrates Sculpture Park.
  • Agnes Denes entrain de planter des fleurs au pied de The Living Pyramid lors de l'inauguration au Socrates Sculpture Park, Queens, New York, on May 17, 2015. Photo courtesy Socrates Sculpture Park.
  • Agnes Denes, The Living Pyramid, 2015 au Socrates Sculpture Park, Queens, New York, du 17 mai au 31 octobre 2015. Photo courtesy Socrates Sculpture Park.
  • Invités plantant des fleurs au pied de The Living Pyramid, 2015 durant l'inauguration au Socrates Sculpture Park, Queens, New York, le 17 mai 2015. Photo courtesy Socrates Sculpture Park.
  • Agnes Denes, The Living Pyramid, 2015 au Socrates Sculpture Park, Queens, New York, du 17 mai au 31 octobre 2015. Photo courtesy Socrates Sculpture Park.
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Agnes Denes au Socrates Sculpture Park

Actualités - 17/06/2015 - Article : Jonathan Goodman

Agnes Denes, une grande artiste de land art et de la commande publique aujourd’hui âgée de près de 80 ans et vivant au cœur de New York, vient de réaliser une nouvelle œuvre : une structure pyramidale intitulée The Living Pyramid pour le Socrates Sculpture Park situé à Astoria dans le Queens, en face de Manhattan de l’autre côté de la East River. Selon le communiqué de presse, cette sculpture est la première commande publique d’envergure réalisée par Denes pour la ville de New York depuis Wheatfield – A Confrontation, créée en mai 1982 (un champ de blé d’environ un hectare planté à quelques pas de Wall Street). The Living Pyramid, réalisée à l’occasion du 100ème anniversaire de David Rockefeller (juin 2015) et en l’honneur de son engagement dans les domaines de l’art et de l’environnement, s’élève sur une ancienne décharge proche de Hallets Cove, d’où l’on peut apercevoir la pointe nord de la Roosevelt Island ainsi que le quartier du Upper East Side de Manhattan. Le travail de Denes est donc profondément lié à la géographie de la ville, et illustre une fois encore l’intérêt de l’artiste pour la pérennité de la nature dans le paysage urbain.

Etant de moindre taille, The Living Pyramid est moins impressionnante que Wheatfield, mais ses implications et son parti-pris visuel n’en demeurent pas moins remarquables. D’une hauteur et d’une envergure à la base de près de 10 mètres, la sculpture s’incurve lentement vers un point unique. Elle consiste en une série de cinquante paliers de bois gris empilés les uns sur les autres et sur lesquels poussent des herbes et des fleurs. Les différents paliers comptent plus de 340 jardinières dans lesquelles fleurissent huit différentes variétés de fleurs : corbeilles d’argent, calendula, gypsophiles, soucis, œillets d’Inde, zinnias, impatiences et géraniums. Y poussent également trois variétés d’herbes : buffalo grass, seigle et blé. Les fleurs sont plantées principalement sur les paliers inférieurs de la structure quadrilatérale et viennent colorer les herbes vertes que Denes a plantées de la base jusqu’au sommet de la sculpture. The Living Pyramid incorpore la diversité écologique et illustre un engagement pour la protection de l’environnement au sein d’un milieu urbain.

Il est important de considérer la nature publique de The Living Pyramid à la lumière des préoccupations écologiques actuelles, tout particulièrement dans de grandes métropoles comme New York. En 1982, Denes a qualifié ses champs de blé de « confrontation », ce qui semble logique puisqu’elle les a fait pousser sur un terrain valant des milliards de dollars. Le blé, considéré depuis la nuit des temps comme la culture de base, supplantait, ne serait-ce que pour un moment, la valeur fiduciaire de la terre sur laquelle il poussait et faisait ainsi prévaloir les valeurs primordiales de la nature sur l’éthique impitoyable et contestable du capitalisme. Bien plus qu’un simple geste, Wheatfield établissait un paradigme d’opposition qui, bien que limité par nature, défiait les conditions économiques sur leur propre terrain, en l’occurrence le centre financier de New York.

The Living Pyramid est quant à elle moins ouvertement antagoniste ; d’emblée, il est établi qu’il s’agit d’un hommage à un membre de l’une des plus grandes familles de banquiers des États-Unis, les Rockefeller. Le temps du conflit ouvert semble bien révolu. Pourtant, il est difficile de ne pas sentir que Denes affirme ici des principes de développement durable, un rien non-conformistes en incluant des herbes et des fleurs dans son œuvre. Qu’en restera-t-il dans quelques temps, dans un monde dont les ressources limitées doivent répondre à une demande croissante ? Des valeurs essentielles, pour ne pas dire souveraines, entrent en jeu lorsqu’on se pose une telle question. La sagesse de The Living Pyramid tient en partie à sa volonté de laisser la nature parler d’elle-même, une décision indiscutablement importante et nécessaire à New York, où l’asphalte et le béton dominent. Par extension, les valeurs de Denes peuvent s’appliquer à toutes les zones urbaines, qui restent à la fois des pôles culturels et un cadre de vie impitoyable pour les artistes depuis les temps modernes.

Lors de ma visite, des cours étaient dispensés dans le parc, et quelques femmes en maillot de bain se faisaient dorer au soleil. Le site est en lui-même relativement inconvenant – le Socrates Sculpture Park est sans doute plus connu pour ses intentions que pour la qualité de son paysagisme. Mais il se peut que cela change, et The Pyramidal Landscape pourrait y participer : à la fermeture de l’exposition (le 31 octobre 2015), les 14 tonnes de terreau enrichi seront réparties sur l’ensemble du parc – n’oublions pas que ce terrain de deux hectares se situe au-dessus d’un site d’ensevelissement de déchets et sur un tas de gravats de béton. L’ajout de terreau permettra d’aider les zones qui en ont le plus besoin. Katie Denny Horowitz, directrice de la communication, a indiqué que les jardinières de bois seront par ailleurs données à des jardins communautaires. The Living Pyramid boucle la boucle, illustrant ainsi les principes de la sculpture sociale de Beuys.

Les changements que subira The Living Pyramid une fois l’exposition terminée font donc écho à ceux qui ont lieu dans la nature elle-même. On passe de la construction à décomposition puis à la reconstruction. Cette approche fait preuve d’une sagesse qui pourrait bien porter l’œuvre au-delà des dynamiques qui ont influencé sa création. Les efforts de Denes ont maintenant un contexte ; le futur de l’art public et du land art se conjugue désormais au présent. C’est un mouvement basé sur l’efficacité démocratique, d’un point de vue tant moral qu’esthétique, d’un art qui parle à un public aussi large que possible. Le fait que The Living Pyramid soit accessible à tous est remarquable ; en outre, son démantèlement confirme le côté éphémère d’une grande partie de la culture actuelle. Ceci ne signifie par pour autant qu’elle en soit moins valable – bien au contraire, l’œuvre gagne en valeur car elle résiste momentanément aux forces principalement humaines et économiques qui pourraient la lui nier. On peut difficilement demander plus à l’art contemporain.

Agnes Denes, une grande artiste de land art et de la commande publique aujourd’hui âgée de près de 80 ans et vivant au cœur de New York, vient de réaliser une nouvelle œuvre : une structure pyramidale intitulée The Living Pyramid pour le Socrates Sculpture Park situé à Astoria dans le Queens, en face de Manhattan de l’autre côté de la East River. Selon le communiqué de presse, cette sculpture est la première commande publique d’envergure réalisée par Denes pour la ville de New York depuis Wheatfield – A Confrontation, créée en mai 1982 (un champ de blé d’environ un hectare planté à quelques pas de Wall Street). The Living Pyramid, réalisée à l’occasion du 100ème anniversaire de David Rockefeller (juin 2015) et en l’honneur de son engagement dans les domaines de l’art et de l’environnement, s’élève sur une ancienne décharge proche de Hallets Cove, d’où l’on peut apercevoir la pointe nord de la Roosevelt Island ainsi que le quartier du Upper East Side de Manhattan. Le travail de Denes est donc profondément lié à la géographie de la ville, et illustre une fois encore l’intérêt de l’artiste pour la pérennité de la nature dans le paysage urbain.

The Living Pyramid
Par Agnes Denes
Du 17 mai au 30 août 2015
Socrates Sculpture Park
32-01 Vernon Boulevard, Long Island City, NY 11106
www.socratessculpturepark.org et http://bit.ly/1im6giS
Socrates est ouvert tous les jours, de 10h jusqu’au coucher du soleil. Entrée gratuite.